Non, les singes ne mangent pas de bananes !

L’image du singe mangeant une banane est fortement ancrée dans l’imaginaire collectif, la faute aux dessins animés et livres illustrés qui ont bercé notre enfance. S’il est vrai que des fruits sont consommés par les primates sauvages (en quantité toutefois variable selon les espèces), ceux-ci contiennent cependant 5 fois moins de sucre que les fruits cultivés par l’homme inclus dans les rations quotidiennes des primates hébergés dans les zoos ! Or le surplus de sucre lié à la consommation excessive de fruits cultivés peut engendrer des problèmes physiques (obésité, diabète, diarrhées, maladies cardiaques, abcès dentaires…) mais aussi comportementaux en augmentant la compétition ou l’agressivité entre les individus par exemple. La suppression des fruits, associée à l’augmentation de l’apport en fibres, a, au contraire, des effets bénéfiques sur la santé et le bien-être de nos animaux : réduction du risque d’obésité et de caries, baisse de la glycémie, augmentation du temps passé à chercher la nourriture et à s’alimenter, diminution du stress social et de l’agressivité…

Gorille au Zoo de La Palmyre © F. Perroux

Même si la nutrition des animaux vivant en parc zoologique a considérablement évolué ces dernières décennies, l’apport d’aliments nutritionnellement et structurellement adaptés à chaque espèce et favorisant l’expression de comportements naturels reste un vrai défi. Or, se rapprocher le plus possible du régime alimentaire naturel de nos animaux est indispensable si l’on veut préserver leur santé et répondre à leurs besoins physiologiques et comportementaux.

C’est pourquoi dans le cadre de notre collaboration avec l’organisme de recherche Akongo sur l’amélioration du bien-être de nos grands singes, nous avons entamé au printemps dernier la transition alimentaire de nos groupes de gorilles et d’orangs-outans afin de les passer à un régime sans fruits et plus riche en fibres.

Orang-outan au Zoo de La Palmyre © F. Perroux

Le processus s’est étalé sur environ 3 mois, la ration étant modifiée toutes les deux semaines afin de changer progressivement les proportions de chaque aliment. Petit à petit, les fruits ont été diminués et remplacés par une part plus importante de légumes classés en 3 catégories alimentaires : les légumes racines (navet, radis noir, patate douce, panais, céleri rave…), les légumes tiges (brocoli, avocat, artichaut, aubergine, céleri branche, courgette...) et les légumes feuilles (chou, salade, blettes, endive…). Parallèlement, de la luzerne distribuée soit en journée soit le soir a également été intégrée à la ration. Des branchages sont également donnés le plus régulièrement possible.

Orang-outan mangeant de la luzerne © F. Perroux
Gorille au Zoo de La Palmyre © F. Perroux

Une étudiante en éthologie, présente pendant toute la période de transition, a été chargée de collecter des données sur la prise alimentaire (pesée des rations et des restes, observations des comportements au moment des repas, mise en évidence des préférences alimentaires), les vétérinaires assurant de leur côté le suivi nutritionnel (élaboration des rations) et sanitaire des individus. Des crottes ont ainsi été régulièrement collectées et analysées afin de surveiller la composition du microbiote qui peut être modifiée significativement par un changement d’alimentation.

L’évaluation réalisée environ 2 mois après la fin de la transition alimentaire a montré que nos gorilles et nos orangs-outans se sont plutôt bien adaptés à leur nouveau régime, tant d’un point de vue comportemental que physiologique. Leur poids s’est stabilisé et certains nouveaux aliments sont particulièrement appréciés, comme les artichauts, les asperges et les avocats, désormais très prisés par la quasi-totalité des individus chez ces deux espèces. De leur côté les soigneurs ont dû changer leurs habitudes et intégrer de nouvelles méthodes de préparation des rations (par exemple en cuisant certains aliments), et les commandes hebdomadaires ont également été modifiées afin d’ajuster les quantités de légumes désormais nécessaires sur le secteur.

Rations du soir gorilles/orangs-outans sans fruits © F. Perroux
Orangs-outans au Zoo de La Palmyre © F. Perroux

Nos deux groupes de chimpanzés bénéficieront du même protocole de transition en 2025. Celui-ci sera étalé sur davantage de semaines, la proportion de fruits dans leur ration étant plus importante que celle des gorilles et des orangs-outans avant la transition opérée chez ces deux espèces. Les grands singes ne sont pas les seuls concernés puisque les macaques à queue de cochon, les gibbons à favoris roux et les cercopithèques ont eux aussi démarré leur transition alimentaire. Les autres espèces de primates suivront courant 2025.

D’ici la fin de l’année prochaine, plus aucun primate ne mangera donc de banane ni d’autres fruits au Zoo de La Palmyre ! Une petite révolution toutefois en pointe avec les recommandations scientifiques actuelles sur la nutrition des animaux en parc zoologique.